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  • Photo du rédacteurLéane Alestra

Le mouvement social des Iraniennes instrumentalisé par la droite française

Dernière mise à jour : 24 nov. 2022

Une nouvelle fois, la droite et l'extrême droite française dépolitisent et instrumentalisent les luttes des femmes à des fins sexistes et racistes. Depuis plusieurs mois, le régime iranien en place durcit sa répression avec une hausse constante des condamnations à mort. Cette répression grandissante est une réponse aux mouvements sociaux provoqués notamment par l’inflation qui accable le pays.

Depuis 2018, l’Iran subit des sanctions économiques de la part des USA et la crise touche les plus populations les plus pauvres du pays. Pour ne rien arranger, en mai dernier, le prix de l’huile et de la farine ont explosés suite à la guerre en Ukraine. En effet l’Ukraine, surnommée « le grenier de l’Europe », représentait jusqu’alors presque un tiers des apports en blé en Iran. Aujourd’hui plus d’un tiers des Iraniennes et Iraniens vivent sous le seuil de pauvreté et de nombreuses personnes ont des difficultés pour accéder à l’eau potable.

Les vagues de mobilisations s’accélèrent donc en Iran depuis 2018. Afin d'endiguer la contestation, le régime iranien en place depuis août 2021, (toujours sous l’autorité de Ali Khamenei) se durcit. Le rapport de Iran Human Rights (IHR) publié en 2021 fait état d’une augmentation de +25 % des condamnations à mort couplées d’un nombre croissant de femmes iraniennes exécutées. Dans ce pays, deuxième au monde en termes de mise à mort derrière la Chine, deux militantes pour les droits LGBT+ lesbiennes ont été condamnées à mort début septembre. Le 17 septembre Mahsa Amini, âgée de 22 ans, est arrêtée avec plusieurs autres femmes par la police des mœurs chargée d’appliquer les règles vestimentaires strictes pour les femmes, dont l’obligation de se couvrir les cheveux avec un foulard. Elle décède au commissariat dans des circonstances floues. D’après les autorités elle aurait été victime d’un arrêt cardiaque, mais le frère de la victime qui entend porter plainte est formel : « Son visage était enflé et ses jambes pleines d’hématomes ».

Cet épisode a déclenché la colère d’une partie des femmes iraniennes qui défilent dès lors dans les rues pour réclamer le départ du dictateur. En signe de protestation de nombreuses Iraniennes se rasent la tête, brûlent ou brandissent le foulard qu’elles sont obligées de porter. Elles ont depuis été rejointes par les étudiantEs de l’université de Téhéran. En avril dernier, déjà, les étudiantEs de Téhéran dénonçaient une nouvelle série de règlements visant à restreindre les libertés des étudiantes. Cependant les violences patriarcales ne sont pas les seules violences dénoncées dans ce mouvement survenant après la mort de Mahsa Amini. En effet la jeune femme était kurde, une communauté réprimée par les autorités et accusée entre autres de séparatisme. Dans L’Orient-Le Jour, Clara Hage souligne que certains internautes dressent le parallèle entre le destin de Masha Amini et celui de George Floyd. Mahmoud Sadegui, avocat et ancien membre du Parlement iranien a par exemple tweeté : « Qu’a à dire le guide suprême sur le traitement de la police iranienne envers Mahsa Amini, lui qui a légitimement dénoncé la police américaine dans l’affaire George Floyd ? ».


En France, en réponse à la mobilisation à la fois sociale et sociétale touchant l’Iran, l’extrême droite et la droite ont sauté sur la funeste occasion de détourner le combat crucial et périlleux des Iraniennes quitte à le vider de son sens. L'objectif ? Stigmatiser encore davantage les femmes de confession musulmane vivant sur le territoire français. Sur Sud Radio Jean-Jacques Bourdin donne la parole à un auditeur arguant qu’en France aussi nous aurions une police religieuse assurée par les pères et les frères de confession musulmane. L'auditeur va jusqu'à regretter « la disparition des beurettes, si jolies qui avaient des cheveux longs et avec qui ont pouvait sortir ». Sur Twitter l’auteur Eric Naulleau s’empresse de commenter : « C’est sans doute par pudeur que nos féministes françaises les plus médiatiques n’expriment pas leur solidarité avec ces héroïques femmes iraniennes. Un peu de courage, mesdames, surmontez votre timidité ! ». Ce tweet dont la condescendance sexiste est évidente fut largement repartagé par les militants d’Eric Zemmour, de Florian Philippot, mais également par des figures politiques de droite comme Valérie Boyer. La dessinatrice de presse Coco, de la rédaction de Charlie Hebdo, a pour sa part réalisé une illustration mettant en scène deux femmes. La première, Iranienne lance « Je suis iranienne et je risque ma vie pour enlever le voile », la deuxième femme lui répond tranquillement « Je suis française et je te pisse à la raie ! ».

Une nouvelle fois, les mouvements politiques et sociaux portés par les femmes, ici les iraniennes, sont commentés de manière extrêmement réductrice. Ainsi, un mouvement contestataire iranien dénonçant entre autres le racisme d’État dont sont victimes les communautés kurdes servent en France à justifier la monté des répressions contres les communautés musulmanes elles aussi accusées de séparatisme… De plus, au travers de ces commentaires, les femmes sont une nouvelle fois opposées entre elles. Les femmes musulmanes et les féministes sont jugées complices des violences que subissent les iraniennes, rendant d’une certaine manière les féministes occidentales coupables des violences patriarcales qu’elles dénoncent. Il est d'ailleurs intéressant de constater qu'étrangement, les françaises choisissant de se marier ne sont pour leur part jamais accusées de faire la promotion des mariages forcés. À ma grande surprise je n'ai jamais vu quiconque commenter sous une photo de mariage : « En France les femmes se marient alors qu'une fille sur 5 est mariée de force avant ses 18 ans. À travers le monde, 650 millions de femmes vivent aujourd'hui en ayant été mariées pendant leur enfance.».

Quoi qu'il en soit il est intéressant de noter combien la droite, loue (à juste titre) le courage des iraniennes sans même comprendre que le mouvement en cours dénonce à la fois le racisme d’état, les inégales répartitions des richesses dans le cadre de l’inflation, les violences policières et patriarcales… Bref, un programme que cette même droite française trouve bien trop « woke » et n’hésite pas à réprimer chez elle. Encore, une fois, restons concentréEs.






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